Mar 28, 2011

Editorial : le sens d’une revue électronique

Par Guillaume-Henri Ngnepi

Pour quiconque se satisfait de lieux communs, il faut un peu partout, en Afrique, une alternance politique.

Mais pour l’observateur exigeant, et bien plus encore pour le menu peuple, il faut, audelà du seul changement de personnel politique, au-delà du seul changement d’hommes, une véritable alternative, de vrais changements de fond au plan structurel, institutionnel.

Dans la décennie à venir, tout ou presque étant voué à changer ou à disparaître, ce n’est pas le pouvoir dominant en exercice qui pourvoira à ces changements dont les exigences sont incompatibles avec sa crispation sur la défense des privilèges d’une poignée d’oligarques nationaux soutenus de l’extérieur.

Il faut donc songer à lui substituer d’autres forces dont la construction est à poursuivre, patiemment. C’est nécessaire : l’ordre existant n’est pas le seul possible ; il nous conditionne assurément, nous n’en faisons pas moins de notre mieux pour conserver notre capacité de formuler des aspirations, des intérêts et des exigences incompatibles avec lui. Ce qui montre bien qu’une société se maintient d’en haut, et ne se défait et se transforme que d’en bas, du fait de l’action organisée de ses laissés pour compte, et dieu sait qu’ils sont nombreux, parmi les jeunes surtout, éjectés des écoles, collèges, lycées et universités, sans perspective aucune en matière d’emploi et de survie.

Le changement donc procèdera de l’essor de nos luttes diverses, fonction de leur compatibilité avec les intérêts et les aspirations du grand nombre qui se trouve être constitué des masses populaires certes ; mais la justesse de nos analyses aussi contribuera à ce changement.

Aussi la tâche de l’heure est-elle d’élaborer le possible. En continuant de le penser, d’en former le concept qui, bien qu’abstrait, n’éloigne pas du réel, ne nous en coupe pas, mais nous en rapproche au contraire en unifiant la diversité des perceptions différenciées de nos sens.

Et quel meilleur gage de cette pensée du possible que de partir de ce que l’avenir n’est pas une page blanche, ni pourtant l’histoire pratique un destin.

Nous ne voyons sans doute pas le même monde, il nous faut cependant en édifier un qui nous soit commun. Et pas autrement qu’en le pensant d’abord. Le concevoir dans nos têtes pour ne pas avoir à l’édifier par tâtonnements, par essais et erreurs, au prix d’un immense gâchis en temps, en énergie, et peut-être aussi en hommes, et en tout cas, certainement en argent.

Pour ainsi penser ensemble nos problèmes, quoi de mieux que nous y employer à travers un organe d’expression, et pas n’importe lequel : non pas un quotidien qui colle à l’événementiel, et court le risque en demeurant à ras de sol de borner par trop notre horizon ; mais un bimestriel théorique qui ambitionne, sans prétention, de dégager du fatras des événements quelques lignes de force à partir desquelles ils deviennent non seulement intelligibles, mais surtout utiles à notre action de transformation révolutionnaire du monde ?

Certains lettrés auxquels l’on doit d’ailleurs certaines impasses et certains drames du mouvement social populaire usent de la pensée pour occulter, voire travestir le réel.

Quant à nous, nous entendons en faire quelque chose qui nous dote de la largeur de vue indispensable à l’action. Quelque chose qui serve à mieux cerner l’objet de cette action, la fonction, le rôle de chaque protagoniste. Au vrai, pour nous autres, le principal n’est pas de vivre comme certains s’en persuadent, reprenant d’ailleurs en cela un lieu commun en usage autour d’eux ; mais l’essentiel est de se donner une raison de vivre, de savoir comment vivre, avec qui, contre qui, pourquoi et pour quoi en deux mots.

Qui ne voit que pour ainsi s’élever audessus de l’existence purement végétative, sans relief, et avoir souci des valeurs autant que de l’irruption des masses populaires sur la scène de l’histoire pratique, il n’est pas seulement besoin de penser : il nous faut, de toute nécessité, penser par nous-mêmes car, même vraie une pensée venue des autres ne peut l’être pour nous que repensée par nous -mêmes.

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