Oct 29, 2012

15 octobre 1987 – 15 octobre 2012 : Cela fait 25 ans que Thomas SANKARA a été assassiné sur ordre du chef de la Françafrique

Par Abanda Kpama
Président National du MANIDEM

Curieuse coïncidence. Le sommet de la Francophonie et de la Françafrique s’est achevé la veille du jour anniversaire de l’assassinat d’un des plus illustres fils d’Afrique. C’est parce que le jeune capitaine de 37 ans était devenu une épine dans les pieds de la Françafrique que mission fut donnée à Houphouët-Boigny, le traître de toujours, de recruter un tueur à gage dans l’entourage de SANKARA. C’est à Blaise COMPAORE, compagnon et « ami » de SANKARA que revint l’« honneur » d’éliminer physiquement le grand leader panafricaniste.

BREF RAPPEL DU CONTEXTE POLITIQUE AFRICAIN DE L’EPOQUE.

En 1981, François Mitterrand accède à la Présidence de la République française. C’est la 1ère fois qu’un socialiste est élu à cette fonction depuis l’instauration de la 5è république en France. Ses premiers discours créent le choc et annoncent la rupture avec les pratiques de la France gaullienne. On retiendra surtout le discours de la Baule et celui de Cancún. Démocratie, respect de droits de l’Homme, autodétermination des peuples sont les thèmes développés par le locataire de l’Elysée. Les Africains noirs, surtout ceux de l’espace dit francophone rêvant de la fin des dictatures et de la misère, les espoirs divers sont permis. La Haute Volta comme tous les pays « francophones d’Afrique, qui s’enfonce dans la dictature moyenâgeuse et la corruption, secrète la misère sociale et la frustration des populations. Un groupe de jeunes officiers dirigés par Thomas SANKARA et Blaise COMPAORE, tous formés à l’Ecole Militaire Inter-armes (EMIA) de Yaoundé, prend le pouvoir à Ouagadougou. SANKARA y est désigné comme chef d’Etat. En 4 ans, de 1983 à 1987, SANKARA, COMPAORE, ZONGO et LINGANI vont opérer des transformations radicales de la société voltaïque. Le pays change de nom, il devient BURKINA-FASO (le pays des hommes intègres)

II-         L’ŒUVRE DE SANKARA

L’accent est mis sur la volonté et la dignité : « nous devons compter sur nos propres forces ; l’aide étrangère qui nous avilit doit être rejetée » déclare SANKARA en août 1984. La décolonisation des mentalités et des structures économiques et sociales est érigée en priorité des priorités. Dans un discours célèbre en 1985, SANKARA déclare : « nous devons travailler à décoloniser nos mentalités et rechercher le bonheur dans les limites du sacrifice que nous sommes prêts à faire pour la réalisation de notre idéal de vie. Nous devons aider et former notre peuple à regarder la vérité et la réalité en face, sans avoir honte d’elles. Notre situation ne doit pas nous faire honte ou nous effrayer. Nous devons nous assumer, glorifier au besoin notre africanité et être fier de ce que nous sommes ».

Pour mobiliser son peuple dans cette bataille pour la construction d’un homme nouveau, SANKARA lie la parole à la pratique. Il réduit considérablement le train de vie de l’Etat et de ses hauts commis en commençant par lui-même. Le chef de l’Etat, les ministres et les hauts commis roulent dans de modestes voitures de 4 à 8 CV. Les déplacements du chef de l’Etat à l’extérieur du BURKINA se font dans des avions commerciaux ou dans les avions de ses homologues plus riches. Chef de l’Etat, ministres, hauts gradés de l’armée, hauts commis de l’Etat, directeurs généraux des sociétés d’Etat voient leurs salaires ajustés au statut de pays pauvre qu’est le BURKINA. La corruption, véritable fléau dans l’ancienne Haute-Volta, a connu un traitement de choc soutenu par la volonté politique de SANKARA et ses amis de ne laisser personne et surtout pas les gestionnaires détourner les fonds publics.

Etre intègre et patriote, n’avoir aucun complexe, compter en priorité sur ses propres atouts, travailler très dur pour le bien-être personnel et collectif, construire dans la solidarité une société de progrès et de justice. Tels ont été, pendant les quatre années de son gouvernement, les priorités de Thomas SANKARA. Il terminait tous ses discours par « la patrie ou la mort, nous vaincrons ».
 
III-      L’IMPACT DE SANKARA SUR LA JEUNESSE AFRICAINE  

Pour la jeunesse africaine, victime de la mal-gouvernance de ses dirigeants, de la dictature des régimes autocratiques, de la corruption des élites, de la soumission des dirigeants africains à l’Occident arrogant, des humiliations, des imposteurs venus d’Occident, du chômage massif, le discours de SANKARA a créé un espoir de libération rappelant ceux de NKRUMAH, de LUMUMBA et de UM NYOBE.

Le flamboyant et charismatique dirigeant burkinabé obtint alors un statut tout à fait spécial dans le cœur de la jeunesse et des peuples opprimés d’Afrique noire. Partout en Afrique « francophone » se formèrent des cercles sankaristes regroupant des jeunes, y compris des militaires, désireux de comprendre l’exemple burkinabé. Même l’hebdomadaire Jeune Afrique, pourtant proche des dictateurs francophiles, dut relayer avec emphase, grâce à la plume d’Andriamirado, l’expérience de SANKARA.

SANKARA distillait la fierté et l’optimisme. Enfin un dirigeant noir-africain qui refusait de plier l’échine et qui parlait aux dirigeants occidentaux en les fixant droit dans les yeux. La jeunesse africaine exultait, elle avait trouvé son leader. Elle commença à se mettre en rangs de bataille.

IV-       LA FAUTE ET LA MORT DE SANKARA

Fort de sa popularité et de son aura grandissantes, Thomas SANKARA commit l’erreur de sous-estimer la méfiance et la nocivité de ses pairs « francophones ». En recevant la Jeunesse africaine qui affluait au Burkina avec l’ambition de se former à la « révolution africaine » pour instaurer un nouvel ordre politique en Afrique, SANKARA signa sans doute son arrêt de mort. La réaction des dictateurs francophiles s’organisa en deux temps. Il fallait d’abord obtenir l’accord du patron de la Françafrique pour le crime qui se préparait. François Mitterrand confia l’organisation du crime à l’éternel traître qu’a été Houphouët-Boigny. Conscient de la fragilité économique et militaire du BURKINA, Houphouët demanda à Moussa Traoré, dictateur en poste à Bamako de punir SANKARA. Le prétexte d’un incident frontalier avec l’armée burkinabé donna l’occasion à Moussa Traoré de lancer son armée à la poursuite de SANKARA. Malheureusement pour Houphouët-Boigny, l’armée burkinabé gonflée à bloc et défendant sa patrie, mit rapidement en déroute une armée malienne démotivée, inexpérimentée et sans ressources. Houphouët changea alors de stratégie. Il recruta dans l’entourage de SANKARA des chargés de mission pour mettre en œuvre la « solution finale ». COMPAORE, LINGANI et ZONGO entreprirent de contester les orientations de SANKARA lors des réunions du Conseil de la Révolution et du Gouvernement. SANKARA était accusé d’aller trop vite et trop loin, prenant ainsi le risque de fatiguer le peuple par une cascade de réformes toujours plus avant-gardistes ; il lui fut aussi reproché de préparer l’isolement diplomatique du BURKINA. Le complot était en marche. SANKARA fut mis au courant du complot mais crut à de la manipulation des services secrets français. Le 15 octobre 1987, quatre ans après avoir fondé le BURKINA FASO et donné une nouvelle âme aux peuples opprimés de l’Afrique, le grand homme, seulement âgé de 37 ans était sauvagement abattu par des hommes au service de COMPAORE lui-même n’agissant qu’en sous-traitant de la Françafrique. Une onde de douleur et de révolte traversa l’Afrique. Pourquoi et pour combien de temps ? How long shall we accept they kill our leaders? se révolte BOB MARLEY.

Oui en effet, pourquoi les Africains continuent-ils d’accepter qu’on assassine  les meilleurs de leurs fils et filles, les meilleurs de leurs leaders ? A quand la révolte et la prise de conscience ? A quand le courage d’en finir avec l’esclavage ?

La suite de l’histoire, on la connaît. Bien conseillé par Houphouët, COMPAORE assassina ses deux complices LINGANI et ZONGO, il fut adoubé par la Françafrique et devint le sous-traitant régional de tous les complots de la Françafrique contre les patriotes africains. Il joua pleinement et correctement ce rôle, lors de la crise ivoirienne. Il est au pouvoir depuis 25 ans ! Personne ne s’inquiète de la longévité et des atteintes aux droits de l’homme du « rectificateur ».  

Le 16 octobre 1987, RFI, la radio officielle du Ministère Français des Affaires Etrangères, annonça avec jubilation la mort de SANKARA et justifia son assassinat par le conflit qu’il avait entretenu dès le départ avec ses trois compagnons. L’expérience a tourné court, concluait RFI. La radio de la Françafrique ne fut pas la seule à jubiler. Aussi curieux que cela puisse paraître, deux dirigeants en exil de l’UPC combattante se félicitèrent de cet assassinat en prenant fait et cause pour l’assassin. Pour l’histoire, nous tenons à mentionner leurs noms : NGOUO WOUNGLY-MASSAGA et Siméon KUISSU. Le premier rejoignit en 1990 M. BIYA et se mit à combattre l’Opposition politique durant les années de résistance et de lutte pour la démocratie. Le second a rejoint en 1992 KODOCK BAYIHA avec qui il s’est brouillé, il est aujourd’hui le vice-président du parti de MILLA ASSOUTE.

Noël Isidore Thomas SANKARA, premier président du Faso, illustre fils d’Afrique, repose avec la vingtaine de combattants qui furent assassinés en même temps que lui, dans un anonyme cimetière non entretenu à l’extrémité sud de la grande et belle ville de Ouagadougou. Aucun monument n’est érigé en la mémoire du fondateur du Faso. Aucune rue, aucun édifice ne porte le nom SANKARA. Pourtant, 25 ans après son assassinat, les Africains, partout dans le continent noir, continuent de réclamer et de se réclamer de l’héritage de SANKARA. Même enfoui, un diamant continue de briller.

Fait à Douala, le 15 octobre 2012
 

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